29.6.10

Les URSSAF existent-elles vraiment ?


 En attendant le retour à la vie du site de Me Beaufils...



NEWSLETTER N°3
LES URSSAF EXISTENT-ELLES VRAIMENT ?




1 - Au regard du droit interne

Le texte fondateur est l'ordonnancen° 45-2250 du 04 octobre 1945 dont l'article 13 dispose :

"les caisses de sécurité sociale peuvent se grouper en unions ou fédérations en vue de créer des œuvres ou services d'intérêt commun".

Cette ordonnance ne crée pas les unions. Il s'agit d'une disposition permissive qui donne la possibilité à des personnes morales de droit privé de se grouper pour donner naissance à une autre personne morale de droit privé.

Cette ordonnance structure l'organisation technique et financière de la sécurité sociale en caisses primaires, régionales et nationale.

Elle régit la nature juridique des caisses primaires et régionales mais aussi des unions (les URSSAF) qui "sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de la loi du 1er avril 1898 sur les sociétés de secours mutuel".

Les URSSAF sont incontestablement des personnes morales de droit privé quise constituent sous la forme des sociétés de secours mutuel telles qu'elles sont régies par la loi du 1eravril 1898.


L'article 1er alinéa 1 de cette loi dispose :

"Les sociétés de secours mutuel sont des associations de prévoyance qui se proposent d'atteindre un ou plusieurs des buts suivants : assurer à leur membres participants et à leurs familles des secours en cas de maladies, blessures ou infirmités,leur constituer des pensions de retraite, contracter à leur profit des assurances en cas de vie, de décès ou d'accidents, pourvoir aux frais de funérailles et allouer des secours aux veufs, veuves et orphelins des membres participants décédés…".

Ainsi ces sociétés de secours mutuel sont-elles organisées sous la forme juridique de l'association avec un régime juridique spécifique, des statuts encadrés et des contrôles administratifs. Toutes ces dispositions figurent dans la loi du 1eravril 1898 et dans l'ordonnance du 04 octobre 1945 et illustrent le caractère associatif desdites sociétés.

L'article 4 de la loi du 1eravril 1898 prévoit très expressément le mode de création de ces sociétés :

"Les fondateurs devront déposer en double exemplaire :
1) les statuts de ladite association
2)la liste des noms et adresses de toutes les personnes qui, sous un titre quelconque, seront chargées à l'origine de l'administration ou de la direction.
Le dépôt a lieu, contre récépissé, à la sous-préfecture de l'arrondissement où la société a son siège social,ou à la préfecture du département. Tout changement dans les statuts ou dans la direction sera notifié et publié selon les formes indiquées ci-dessus".


L'article 13, de la même façon,dispose :

"Les sociétés de secours mutuel ayant satisfait aux prescriptions des articles précédents ont le droit d'ester en justice…".

Il s'agit là des dispositions qui étaient, dès l'époque, classiques pour la création des associations et qui seront reprises par l'article 5 dela loi du 1er juillet 1901.

Elles s'appliquent donc bien évidemment à chaque Urssaf.

Le Conseil d'État a confirmé que les organismes de Sécurité Sociale sont des organismes de droit privé, chargés d'une mission de service public.

Les URSSAF sont ainsi définies dans le cadre du Livre II, Titre 1erchapitre 3 du Code de la Sécurité Sociale comme des unions de caisses de sécurité sociale chargées d'assurer le recouvrement des cotisations.

Elles sont des organismes de droit privé, constitués par des statuts passés par les fondateurs, ces statuts devant, compte tenu de la mission de service public assurée par les organismes de Sécurité Sociale, être homologués par l'autorité administrative.

L'article L.28-1-4du Code de la Sécurité Sociale dispose que l'autorité compétente de l'État approuve les statuts et les règlements intérieurs qui lui sont soumis.
  

En d'autres termes :

- l'autorité administrative n'institue ou ne crée nullement les statuts des URSSAF,organismes de droit privé ; elle ne fait que les approuver.
Il est, en effet, impossible de concevoir qu'il puisse être envisagé d'approuver ce qui n'existe pas : les statuts et les règlements intérieurs doivent préexister pour qu'ils soient soumis à l'approbation de l'autorité de tutelle.

-Les pouvoirs publics ne peuvent,unilatéralement, que créer des personnes de droit public : Ils peuvent éventuellement approuver les statuts, cette approbation ne dispensant en rien de la nécessité préalable du dépôt de ces derniers.



La nécessité préalable et fondamentale du dépôt des statuts en préfecture est la condition "sine quanon" d'acquisition de la personnalité morale de l'association.

L'acquisition de la personnalité morale de toute association, et notamment de chaque URSSAF, réside en effet dans la déclaration de l'association, formalité consécutive strictement réglementée.

Pour qu'une association, telle que chacune des URSSAF, jouisse de la personnalité civile et de la capacité juridique, son existence doit être rendue publique par le soin de ses fondateurs avec insertion au Journal Officiel. C'estaussi la condition de son opposabilité aux tiers


En revanche, sa capacité juridique spécifique à agir, dans le cadre de sa mission d'encaissement qui lui a été confiée, lui est attribuée par la loi (article L.213-1 du Code de la Sécurité Sociale).


Pour autant, toute confusion doit être écartée :

Cette capacité juridique spécifique conférée par la loi aux URSSAF ne peut être mise en œuvre que si celle-ci a acquis préalablement et comme il vient d'être dit, la personnalité juridique de base et d'origine : personnalité qui n'est acquise qu'au terme des procédures sus rappelées.

La Cour de Cassation a confirmé cette capacité juridique spécifique ( = qualité à agir ) dans un arrêt du 1er mars 2001 en retenant la motivation suivante :

"Mais attendu que les URSSAF, instituées par l'article L.213-1 du Code de laSécurité Sociale, tiennent de ce texte de nature législative leur capacité juridique et leur qualité pour agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par la loi…" .

Il convient ici de rappeler que l'article L.213-1 est inclus dans le chapitre 3 du Code de la Sécurité Sociale, lui même faisant partie du Titre 1er du Livre II dudit Code intitulé "Organisation du régime général, action-prévention, action sanitaire et sociale des caisses".

            L'article L.213-1 du Code de la Sécurité Sociale dispose :

"Les Unions (les URSSAF), sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L.216-1.

Or, l'article L.216-1 renvoie au Code de la Mutualité :

"Les caisses primaires et régionales d'assurance maladie, la caisse régionale
d'assurance vieillesse des travailleurs salariés de Strasbourg et les caisses d'allocations familiales sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions du Code de la Mutualité..;".

En d'autres termes, l'article L.213-1 institue des Unions de recouvrement en général mais il ne constitue ou n'institue aucune URSSAF en particulier.


A titre de comparaison, ce n'est pas parce que loi du 1901 institue le contrat d'association qu'elle constitue telle ou telle association et pallie à une éventuelle absence de statuts.

         Cet article ne crée pas les URSSAF mais se contente d'énumérer leurs compétences et pouvoirs. Il faut simplement y voir la source légale de leur capacité juridique spécifique.

     

 Mais il est certain que cette capacité juridique spécifique - à agir - ne peut être attribuée qu'à un organisme jouissant préalablement de la capacité juridique « de base » c'est-à-dire disposant d'une existence juridique - résultant de l'acquisition de la personnalité morale.

La production et la communication des statuts de chaque URSSAF, organisme de Sécurité Sociale et personne morale de droit privé, ainsi que le ustificatif de publication au Journal Officiel, s'imposent, dans la mesure où il apparaît tout à fait légitime de soutenir que les Urssaf, organismes de droit privé, ne peuvent pas être créées par un texte réglementaire.

           
A défaut de communication de ces éléments, il devra être constaté l'inexistence et  l'incapacité à agir en justice des l'URSSAF (article 117 du Nouveau Code de Procédure Civile).



2 -  Au regard du droit communautaire

            On doit observer que le motif par lequel la Cour de Cassation, par son arrêt du 1er mars 2001, a retenu le caractère "inopérant" de l'argumentation du cotisant tendant à ce que l'URSSAF soit déclarée irrecevable à agir faute de justifier de sa constitution régulière, au regard du Code de la Mutualité, mérite d'être rappelé littéralement :

"Mais attendu que les URSSAF, instituées par l'article L. 213-1 du Code de la sécurité sociale, tiennent de ce texte de nature législative leur capacité juridique et leur qualité pour agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par la loi" ;

L'articleL 213-1 ainsi visé prévoit que "des unions de recouvrements assurent" diverses missions, incluant, notamment, le recouvrement des cotisations d'assurances sociales et de la CSG ;

Il précise que les unions sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L 216-1 du code de la sécurité sociale ;

Et l'article L. 216-1 du code de la sécurité sociale renvoie lui-même au code de la mutualité, pour les conditions de constitution et de fonctionnement des organismes de sécurité sociale ;

La directive européenne 92/49 impose aux "assurances et entreprises" visées à l'article 1er de la directive 73/239 de solliciter un agrément, en adoptant une des formes suivantes [ pour la France ] :

"S.A.,société d'assurance mutuelle, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale, institution de prévoyance régie par le code rural ainsi que mutuelles régies par le code de la mutualité" ;

            Il est donc clair que "les assurances etentreprises", objet de cette directive, ne peuvent obtenir l'agrément permettant leur fonctionnement qu'au vu de statuts précisant que leur forme juridique permet bien de l'obtenir (cf. article 8 de la directive 92/49) ;

La difficulté initiale, et importante, est que l'article 2 de la directive 73/239 précise que celle-ci ne s'applique pas aux :"Assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale" ;

Cependant, dans son arrêt du 15 février 2000, rendu à propos de l'inapplicabilité de la CSG aux travailleurs frontaliers, la Cour de Justice des Communautés Européennes a relevé :
"Si,comme la Commission le relève, le régime de financement de la sécurité sociale existant au Danemark, fondé principalement sur l'impôt, est compatible avec le droit communautaire, la même solution s'imposerait en ce qui concerne la CSG. Il aurait certes été possible d'assurer le financement des branches concernées de la sécurité sociale par un relèvement notamment de l'impôt sur le revenu, dont seraient redevables également les travailleurs frontaliers résidant en France. LaRépublique française n'a pas choisi un tel système, qui manquerait de"visibilité" vis-à-vis des contribuables et risquerait donc de méconnaître en grande partie l'objectif poursuivi" ;

La Cour européenne a encore relevé, dans le même arrêt :

"En effet, comme M. l'avocat général l'a relevé aux points 25 et 26 de ses conclusions, la CSG, contrairement aux prélèvements destinés à pourvoir aux charges générales des pouvoirs publics, est affectée spécifiquement et directement au financement de la sécurité sociale en France, les recettes correspondantes étant allouées à la Caisse nationale des allocations familiales, au Fonds de solidarité vieillesse et aux régimes obligatoires de maladie. L'objet de la CSG est donc de financer plus particulièrement les branches qui concernent les prestations de vieillesse, de survivants, de maladie, et les prestations familiales, lesquelles sont visées àl'article 4 du règlement n° 1408 / 71" ;



Ainsi,la Cour de Justice des Communautés Européennes a-t-elle retenu que l'un des critères essentiels permettant de distinguer la cotisation sociale de l'impôt est l'affectation spécifique de celle-là ;

Tout en considérant que le financement des régimes de sécurité sociale par l'impôt n'est pas, en soi, incompatible avec le droit communautaire, la cour de justice des communautés européennes considère donc que, selon ce droit, il ne saurait y avoir cotisations de sécurité sociale que s'il y a affectation spécifique de ces cotisations à tel ou tel régime;

Or, il ne peut y avoir affectation spécifique que si la cotisation est collectée ou reçue par un organisme doté de la personnalité juridique car, en France en tout cas, existe le principe selon lequel il ne saurait y avoir d'affectation spéciale des recettes de l'Etat ;

            En outre,faute d'organisme gardien de l'affectation, et donc pourvu d'une personnalité morale effective, l'État pourrait être tenté d'appréhender ces ressources, pour les affecter vers un autre poste de dépense ;

            Il convient donc, au regard du droit communautaire,de vérifier si, dès lors que la qualification de cotisation sociale est incontestable (CSG, CRDS ),l'affectation spécifique prévue par le droit communautaire a bien été respectée, ce qui revient à rechercher si la personnalité juridique des caisses de sécurité sociale (et de leurs unions) est effective ;


Il appartient évidemment, en vertu du principe de subsidiarité, au droit interne de fixer les règles de constitution et de publicité pour qu'un organisme de sécurité sociale acquiert la personnalité morale ;

           
            Mais il appartient au juge communautaire de rechercher si cette personnalité a été acquise de manière effective, de façon à garantir l'affectation des cotisations de sécurité sociale versées à l'organisme ;


Par conséquent, tant qu'il n'est pas justifié qu'un organisme de sécurité sociale, ceci incluant les URSSAF, n'a pas été constitué en assemblée générale des membres fondateurs, approuvant les statuts de cet organisme, il faut considérer que cet organisme n'a pas acquis, au regard du droit communautaire, la personnalité juridique nécessaire pour garantir l'affectation des cotisations aux branches considérées ;


On doit ici observer que le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, introduit le principe communautaire de bonne administration, et rappelle celui de la transparence.

Or, l'exigence de transparence posée et rappelé par ce règlement ne peut être atteinte que si les conditions de constitution et d'immatriculation des organismes de Sécurité Sociale sont parfaitement claires, et leur objet clairement défini ;a contrario, en l'absence de statuts connus de ces organismes, il n'apparaît pas qu'il soit satisfait à cette exigence de transparence ;

            C'est pourquoi, la Cour de Justice des Communautés Européennes pourrait être amenée a trancher  la question suivante :

"La Cour de Justice des Communautés Européennes, considérant qu'il ne saurait y avoir cotisations de Sécurité Sociale que s'il y a affectation spécifique de ces cotisations à un régime bien défini, peut-on considérer que cette règle se trouve respectée dans la mesure où les cotisations dont s'agit ne sont pas collectées ou reçues par un organisme clairement doté de la personnalité juridique" ;


Rédigé par Renaud Beaufils. 

25.6.10

Le dilemme de l'assurance santé à la française

"Assurance" qui n'a d'assurance que le nom, et qui du point de vue santé est tout ce qu'il y a de plus moribonde...




Inspiré de US Healthcare.

23.6.10

Les URSSAF existent-elles vraiment ? (bis)

Le site web de maître Renaud Beaufils www.cabinet-beaufils.com semblant avoir des problèmes, son article "Les URSSAF existent-elles vraiment ?" est encore accessible via le cache de Google. Cliquer ici puis sur "en cache". Ou bien cliquez ici, en croisant les doigts (ça marchait encore le 25/06/2010). Si nécessaire, je peux envoyer le texte au format Word à quiconque par e-mail.

14.6.10

Poursuivi en justice par un fantôme !

Dans la droite ligne de mon post récent sur l'inexistence juridique de l'URSSAF, Michaël Leduc me signale qu'il en est de même pour le RSI Antilles Guyane.

Michaël est presque un résistant de la première heure, puisqu'il ne paie pas ses cotisations sociales depuis... l'an 2000 ! Ce qui lui a permis de soustraire de grosses poignées d'euros à la rapacité du Trou noir national. La contrepartie étant une guérilla juridique qui ne doit pas être de tout repos.

Le RSI prétend être "légal" depuis 2005, alors qu'il n'a pas d'existence juridique, ce qui oblige des RSI départementaux à s'immatriculer en préfecture : par exemple, le RSI Ile-de-France a dû le faire en 2009, le RSI de Lorraine l'avait fait en 2006. Mais pas le RSI Antilles Guyane, et sans doute plusieurs autres RSI, qui n'ont pas fait enregistrer leurs statuts... faute d'en avoir ! Or, rappelle Michaël, la légalité d’une société ne débute qu'à l’enregistrement de ses statuts (art. 1334 du code civil) ou après un acte administratif paru au Journal Officiel.

Par ailleurs, Michaël a porté plainte en 2008 contre le RSI pour faux, usage de faux, racket et escroquerie en bande organisée. Il argüe (avec des preuves fournies) que ledit RSI Antilles Guyane (le fantôme juridique évoqué plus haut) se prévaut d'une part du Code de la SS pour les encaissements, mais d'autre part du Code des assurances pour se soustraire aux décaissements ! Cet « organisme » serait obligatoire pour les Français mais libre d’accès aux clients européens (voir ici en bas de page, paragraphe "Les assurés volontaires "), concurrence oblige (apparemment, les Français sont moins européens que les autres Européens !).

« Je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, vivent les rats ! » aurait dit un fabuliste qui vivait à une époque où la France n'était pas encore une République fromagère, ni le pays du racket organisé...

9.6.10

Les URSSAF existent-elles vraiment ?

Une question qui fera rire (jaune) toutes leurs victimes, mais qui s'est longtemps posée en droit (j'en parlais en 2006 : L'URSS n'existe plus, l'URSSaf n'existe pas).

Aujourd'hui, c'est maître Renaud Beaufils (qui a ouvert son site web www.cabinet-beaufils.com) qui revient sur le sujet : Les URSSAF existent-elles vraiment ?.

Les URSSAF sont un monstre typiquement français : elles n'ont pas de statuts ! (elles ont raison de cacher la vérité, révéler d'emblée leur statut "prédateur" serait du plus mauvais effet). Elles ne sont pas clairement dotées de la "personnalité juridique", ce qui pourrait coincer un jour au niveau de la juridiction européenne. En attendant, le massacre continue au niveau national...

7.6.10

Comparaison Suisse-France : rectifications

La feuille de paie française de mon article précédent Paradis suisse et enfer français : les chiffres parlent ! est correcte. En revanche, la feuille de paie suisse ne faisait pas apparaître les cotisations dites "patronales". Merci à mes lecteurs de m'avoir fait sortir de ma torpeur pré-estivale...

Les résultats en sont donc modifiés, mais restent toujours largement en faveur de la Suisse.

Hélas, tout comme en France, le "salaire de base" est le "salaire brut", c'est-à-dire, comme le rappelle Georges Lane, le prix total du travail moins les prétendues cotisations payées par l'employeur (alors qu'elles sont payées par l'employé) - c'est-à-dire qu'une partie du vol étatique est cachée par un artifice de vocabulaire, celui des cotisations prétendument "patronales".

Voici de nouveau la feuille de paie d'un salarié (à temps partiel), frontalier, en Suisse (Genève) :

Salaire de base : 5700 CHF

Retenues salariales :
- AVS/AI/APG          5.05% sur 5700 =  287.85
- chômage             1.00% sur 5700 =   57.00
- assurance maternité 0.04% sur 5700 =    2.60
- impôt à la source   2.76% sur 5700 =  157.30
- LPP                                =  806.00
           Total déductions sociales (part salariale) = 1310.75 CHF

Retenues patronales (extrapolation à partir des retenues salariales et de ce que j'ai trouvé sur la législation sociale suisse) :
- AVS/AI/APG          5.05% sur 5700 =  287.85
- chômage             1.00% sur 5700 =   57.00
- LPP                                =  806.00

Explications complémentaires :
- la loi sur la LPP (art. 16 et 66, al. 1, LPP), retraite complémentaire obligatoire, oblige l'employeur à prendre en charge au moins l'équivalent de la cotisation salariale ;
-  idem pour la cotisation AVS/AI/APG (retraite de base, invalidité, perte de gains) avec les mêmes taux que pour les cotisations salariales (respectivement 4,2% + 0,7% + 0,15% = 5.05%)


Ce qui porte le "salaire complet" à  5700+1150=6850 CHF.

Et donc le salarié touche 5700-1310=4390 CHF, soit 64% du salaire complet. Encore loin devant les 48% de la France !

Il se peut que la comparaison soit plus favorable encore, en effet la retraite complémentaire LPP dépend de la classe d'âge, et dans l'exemple le salarié a 50 ans. Mais j'ignore comment cette LPP est calculée exactement (ce qui est dommage vu que c'est un poste de coût important sur l'ensemble des cotisations).

4.6.10

Paradis suisse et enfer français : les chiffres parlent !

Une expérience intéressante : comparer une feuille de paie en France avec une feuille de paie en Suisse. Il s'agit de données réelles, extraites de feuilles de paie réelles, que j'ai eues entre les mains !

Plutôt que de tenter de comparer des montants non comparables, avec des systèmes "sociaux" très différents (avec de plus l'occultation du "salaire complet" en France), j'ai préféré d'abord mettre les données brutes. Au lecteur de juger où est le paradis et où est l'enfer. Mes remarques finales l'y aideront.

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Voici d'abord une feuille de paie d'un salarié (à temps partiel), frontalier, en Suisse (Genève) :

Salaire de base : 5700 CHF

Retenues :
- AVS/AI/APG          5.05% sur 5700 =  287.85
- chômage             1.00% sur 5700 =   57.00
- assurance maternité 0.04% sur 5700 =    2.60
- impôt à la source   2.76% sur 5700 =  157.30
- LPP                                =  806.00
           Total déductions sociales = 1310.75 CHF
           soit 23% du salaire de base (impôts compris !)

Explications complémentaires :

- AVS/AI/APG : c'est l'assurance retraite (AVS) et invalidité (AI), appelée aussi "premier pilier" (prévoyance étatique obligatoire)
- LPP (fonds de prévoyance professionnelle), c'est l'assurance retraite complémentaire, appelée aussi "deuxième pilier", obligatoire à partir d'un certain revenu
- l'impôt à la source est prélevé pour le canton de Genève. Le taux de 2.76% correspond à la tranche 5650-5700 CHF pour personne mariée sans enfant (barême B).

Remarques importantes :

1) l'assurance maladie est privée, et donc à la charge de chacun (compter 400 CHF pour quelque chose de correct)

2) à la différence du système français, il n'y a pas de charge patronale, sauf l’assurance accident (LAA), obligatoire pour les salariés, totalement prise en charge par l'employeur pour les accidents professionnels et non-professionnels. Ne connaissant pas son montant (qui résulte d'une négociation entre l'employeur et la compagnie d'assurance), je n'en ai pas tenu compte (ça ne devrait pas dépasser, je pense, quelques petites centaines de CHF par employé, sans doute moins que ça).

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Voici une feuille de paie du même salarié (cadre, à temps partiel), dans un emploi similaire en France (pour aller plus vite je n'ai pas fait figurer les centimes d'euro - sauf quand nécessaire-, ni les taux, ni la base):

Salaire de base : 3480 EUR

CSG non imposable (retenue salariale)                 176
CSG (retenue salariale)                                82
CRDS (retenue salariale)                               17
accident du travail (retenue patronale)                38
assurance maladie (part salariale)                     26
assurance maladie (part patronale)                    445
assurance vieillesse déplafonnée (part salariale)       3
assurance vieillesse déplafonnée (part patronale)      55
assurance vieillesse (part salariale)                 190
assurance vieillesse (part patronale)                 237
allocations familiales (retenue patronale)            187
contribution jour de solidarité (retenue patronale)    10
retraite ARRCO taux A (part salariale)                 85
retraite ARRCO taux A (part patronale)                128
retraite AGIRC taux B (part salariale)                 47
retraite AGIRC taux B (part patronale)                 78
contribution exceptionnelle temporaire (part salariale) 4
contribution exceptionnelle temporaire (part patronale) 7
APEC (part salariale)                                   0.15
APEC (part patronale)                                   0.22
AGFF taux A (part salariale)                           22
AGFF taux A (part patronale)                           34
AGFF taux B (part salariale)                            5
AGFF taux B (part patronale)                            8
retraite supplémentaire d'entreprise (part salariale)  17
retraite supplémentaire d'entreprise (part patronale)  35
ASSEDIC (part salariale)                               83
ASSEDIC (part patronale)                              139
garantie incapacité-invalidité (part salariale)         4
garantie incapacité-invalidité (part patronale)         6
garantie décès (part salariale)                         2
garantie décès (part patronale)                         4
mutuelle d'entreprise (part salariale)                 47
mutuelle d'entreprise (part patronale)                 34
taxe sur salaires (retenue patronale)                 392
diverses retenues patronales                          230

Total retenues salariales                             818 EUR
Total retenues patronales                            2075 EUR


Salaire net résultant                                2662 EUR


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Conclusions :

- la feuille de paie suisse est très simple, on a tout en quelques lignes. La feuille de paie française est illisible, sauf à être un archéologue spécialiste des diverses strates de prélèvements que la géologie sociale française a déposées au cours du temps !

- le terme de "salaire de base" est trompeur. On voit qu'en France le salarié coûte beaucoup plus cher à son patron qu'en Suisse. La base de comparaison devrait donc être le "salaire complet", c'est-à-dire tout ce que paie l'employeur, qui devrait revenir en droit au salarié, en totalité. Le salaire complet dans le cas de figure français, est de 3480 + 2075 = 5555 EUR.

- Au final, le salarié ne reçoit en France que 2662 EUR = 48% du salaire complet ! En Suisse, il reçoit 4390 CHF = 77% du salaire complet (la comparaison étant légèrement faussée du fait que l'assurance maladie n'est pas décomptée du salaire suisse - en revanche l'impôt sur le revenu l'est).

- La seule assurance maladie représente en France 746 EUR pour ce cadre moyen (176 + 82 + 17 + 26 + 445), alors qu'en Suisse il aurait l'équivalent pour moins de 300 EUR (montant fixe, quel que soit son salaire) !